Vers la déshominisation


De la nécessaire réduction du nombre d’Homo sapiens dans les dix prochaines décennies et de quelques moyens simples pour y parvenir

 

L’humanité comptait 1 milliard d’individus en 1850, 3 milliards en 1960, 6 milliards en 2000. Selon les projections de la division population des Nations-Unies, le nombre d’Homo sapiens devrait se situer entre 7,6 et 11 milliards en 2050 (hypothèse moyenne privilégiée : 9 milliards), 5,6 et 17 milliards en 2100 (hypothèse moyenne privilégiée : 10 milliards). La Terre doit supporter 2 hommes de plus chaque seconde, 200.000 par jour et 80 millions par an. Le temps de lire ce paragraphe, quarante Homo sapiens sont ainsi apparus sur cette planète. Il y a peut-être un Mutant parmi eux. Mais il s’agit plus probablement de quarante parasites…

Car cette croissance exponentielle est une catastrophe à tout point de vue. Catastrophe écologique : 20 % des espèces auront disparu d’ici 25 ans en conséquence directe des activités humaines. Catastrophe sanitaire : la surpopulation favorise l’émergence et l’extension des microbes. Catastrophe politique : le nombre de conflits est toujours proportionné au taux d’hommes jeunes présents dans une population. Catastrophe économique : les plus démunis sont les plus prolixes. Catastrophe socio-cognitive : le primate au cerveau instable n’est pas programmé pour utiliser des technologies puissantes, et les effets durables de cette inadaptation s’aggravent en proportion du nombre. Catastrophe esthétique : Homo sapiens est un animal particulièrement hideux et provoque un enlaidissement généralisé du paysage.

La transition démographique (baisse de la mortalité suivie d’une baisse de la fécondité) a été amorcée en Europe au XVIIIe siècle. Elle s’est répandue dans l’Hémisphère Nord depuis : le taux de fécondité y est solidement ancré en-dessous du seuil de remplacement des générations. Mais ce n’est pas le cas des pays les moins développés – en gros, l’Hémisphère Sud - où vit une majorité des Homo sapiens. Malgré les politiques planétaires de planning familial, les taux de fécondité y restent encore très élevés : supérieurs à trois rejetons par femelle. Les générations n’en finissent donc pas de se remplacer et de croître. Les surplus du Sud se déversent désormais vers le Nord (pour les plus intelligents, embauchés par des capitalistes) ou crèvent sur place (pour les autres, soignés par des bureaucrates et des humanitaires).

Homo sapiens a été initialement produit par l’évolution pour vivre en petites hordes sur de grands territoires. L’avènement rapide des sociétés de masse représente une bifurcation majeure de son histoire. Et ne sera pas sans conséquence sur son destin biologique.

Ainsi, il est probable que nos frères microbiens contribuent à déblayer la Terre. La corrélation d’un taux du sida et d’un taux de natalité élevés en Afrique, par exemple, n’est pas due au hasard : la logique darwinienne veut que la virulence d’un microbe soit directement proportionnée à sa probabilité de transmission. Si le virus se transmet vite (surpopulation + sexualité intensive dans le cas du sida), la sélection opère en faveur des souches les plus actives (car sa fitness n’est pas diminuée par la mort rapide du porteur). C’est notamment la raison pour laquelle les deux souches de sida (HIV 1 et HIV 2) se répartissent différentiellement selon les populations concernées.

De manière générale, la plupart des épidémiologistes considèrent que l’humanité traversera des crises sanitaires majeures au cours du XXIe siècle. Les Grandes Pestes sont devant nous. Celles-ci seront dues à des virus émergents (surtout au Sud, en zone intertropicale, mais aussi au Nord, du fait des exogreffes par exemple) ou à des bactéries multirésistantes (du fait de l’usage inconsidéré des antibiotiques). Voire à des manipulations de germes hautement toxiques (peste, variole, Ebola, Marburg) par d’aimables savants.

Cette salutaire correction démographique sera toutefois imprévisible dans ses effets : une partie de la population humaine va certes disparaître, mais on ne connaît pas la nature, le rythme ni la proportion de cette extinction partielle. En attendant, il paraît souhaitable d’anticiper et d’amorcer le processus. La restauration de la biodiversité et l’intensification de la biocomplexité ne peuvent s’inscrire que dans le cadre d’une stratégie évolutionnaire stable, supposant elle-même la réduction drastique du nombre d’Homo sapiens.

Les Mutants suggèrent quatre mesures simples pour y parvenir :

- Stérilisation planétaire : sur la base du consentement volontaire et éclairé, une stérilisation doit être proposée à tous les individus majeurs. Chaque gouvernement est libre d’associer à cet acte une prime d’incitation.

- Allocations antinatales : dans tous les pays situés au-dessus du seuil de remplacement des générations, un Fonds démographique mondial proposera des allocations inversement proportionnelles au nombre d’enfants.

- Sanctions internationales : tout pays incapable de maîtriser sa démographie et toute entreprise investissant dans un tel pays seront frappés de diverses taxes alimentant le Fonds démographique mondial.

- Education scientifique : les religions obscurantistes et intégristes, connues pour favoriser la transformation des femelles humaines en poules pondeuses au service de Dieu, seront systématiquement combattues.

Il est probable que les gouvernants de ce monde répugnent dans un premier temps à l’adoption de telles pratiques inspirées par le bon sens autant que par la logique. En fait, comme nous le confiait encore récemment et anonymement un fonctionnaire de l’ONU, les politiques démographiques actuelles s’inspirent discrètement de cette philosophie : mais elles n’osent pas le dire, encore moins passer à la vitesse supérieure. Il faudra sans doute attendre que l’animal humain soit en partie décimé de manière naturelle pour regarder la réalité en face. C’est au pied du mur qu’on voit le maçon. Et au bord du gouffre que naît le Mutant.

D’ici là, les Mutants appellent leurs congénères à une stratégie simple : la déshominisation par implantation de territoires GSH, c’est-à-dire " garantis sans humains ". Quel que soit votre pays, repérez les zones à plus faible densité humaine. Ce sont en général les terrains les moins chers. Achetez quelques hectares et imposez le label GSH. Cet investissement sera hautement profitable, puisque votre territoire sera le dernier contaminé en cas d’épidémie. Par ailleurs, vous aurez le plaisir d’y contempler un paysage sauvage. Enfin, vous pourrez pratiquer la chasse à l’Homo sapiens, si un bipède promeneur ou chasseur s’aventurait en cette zone libérée.