Tota mulier ex utero

Pour une libération de la condition utérine

 


L’époque actuelle tend à remettre en question révolution sexuelle, flambées de soutifs et MLF. Le féminisme aurait échoué. Serait-il miné de l'intérieur ? C'est un fait. Le féminisme se trompe de cible et gâche son énergie à tendre ses verges vers les pénis et leur domination imposée par leur force physique. Parce que l'histoire humaine est celle d'un glissement de l'être vers le faire et du faire vers le pouvoir, parce qu'il y a des possibilités de jouer avec ses prédispositions “ naturelles ”, les femmes ont aujourd'hui autant de moyens qu'un homme, ou plus précisément, ont autant de moyens de se donner les moyens qu'un homme.

Appel à l’extraction des Mutantes de leur condition utérine !


 

Nous vivons dans la queue de comète d'une mutation d'un système productif. Cette mutation se comprend entre autres par une modulation de la violence. C'est justement cette mutation du système productif qui rend pensable, aujourd'hui, le passage féminin de l'être au faire.

 

Domination masculine dans le passé

Jusqu’à une époque récente, le mode de production (acquisition de ressources) reposait sur la force physique autant que sur la puissance cognitive. Or, il ne fait aucun doute que l’homme est en moyenne plus fort physiquement que la femme à tous les stades de l’existence. Donc, la domination physique sur les ressources légitimait la domination symbolique sur la famille et sur le groupe.

Les sociétés traditionnelles étaient des sociétés plus violentes que les sociétés modernes rationalisées et pacifiées. Depuis la “ violence au village ” (Muchembled) jusqu’aux guerres, raids et rapines, une certaine dose d’agressivité était nécessaire à la survie et au pouvoir. Or, l’agressivité est un trait plus masculin que féminin, car elle est directement corrélée au taux de testostérone.

L’intellectualisation et la pacification propres aux sociétés modernes ouvrent naturellement plus de place pour les femmes, notamment dans le domaine du travail. Evidence : il est plus facile pour une femme d’être secrétaire de rédaction ou directrice artistique que d’être mineur de fond ou ouvrier-fondeur.

Depuis deux générations au moins, les femmes ont un accès plus égalitaire au savoir et au pouvoir, malgré la persistance résiduelle de stéréotypes sociaux. Il n’en a pas résulté pour autant une égalisation parfaite, tant s’en faut. La raison en est toute bête : certaines activités sont plus masculines que féminines.

Les femmes semblent encore à la traîne : les femmes ont laissé une moindre empreinte que les hommes dans l’histoire récente. A moins d’être mentalement castré par une meute de chiennes de garde, il faut bien reconnaître que ce jugement est factuellement vrai. Faites la somme des "il y a des femmes qui ont compté dans l'histoire", soustrayez la à leur face masculine et vous verrez le déficit de la balance commerciale... Que l’on se tourne vers la littérature, la sculpture, la musique, la peinture, le cinéma, la science, la technique, la philosophie, on trouve toujours plus de créateurs masculins – avec même un quasi-monopole dans certaines disciplines (physique et mathématique par exemple). De la même manière, l’engagement politique (a fortiori militaire) est dominé par les hommes, et cela dans la plupart des sociétés humaines.

 

Hommes, femmes, patriarcat

Une fois le constat posé, il faut élucider l’origine de cette supériorité en plusieurs domaines d’action et de création. L’argument principal de l’idéologie dominante est : les structures patriarcales issues du néolithique ont empêché les femmes d’avoir accès au savoir et au pouvoir ; la domination masculine est donc un fait social et culturel, non un fait biologique ; il suffit de changer la société et la culture pour parvenir à l’égalité des sexes.

Notons d’abord que l’hypothèse du patriarcat est historiquement vraie. La plupart des cultures et des religions issues du néolithique donnent préséance à l’homme sur la femme en maints domaines. Dans les cultures monothéistes moyen-orientales (juive, chrétienne, musulmane), cette préséance est souvent associée à une vision névrotique de la femme - disons qu’elle ne peut être que vierge ou putain et qu’elle atteint l’acmé de son existence terrestre dans la ponte docile et béate de marmots. Mais les cultures indo-européenne et chinoise, par exemple, sans avoir produit de tels fantasmes, consacrent elles aussi une certaine supériorité symbolique masculine. Sans parler des tribus paléolithiques décrites les anthropologues (voir N. Chagnon sur les Yanomamo, par exemple, qui pratiquent encore le raid intervillages associé au viol systématique des femmes fertiles).

Toutefois, l’existence du patriarcat n’est pas une raison suffisante pour entériner l’hypothèse culturaliste. Après tout, les représentations culturelles émergent d’un fond biologique : on peut donc faire la contre-hypothèse de travail d’une ‘naturalité’ de la domination masculine exprimée culturellement par les religions et idéologies patriarcales.

D’un point de vue directement biologique, l’ovocyte est gros et rare (coûteux) alors que le spermatozoïde est petit et abondant. Il en va de même pour la gestation et l’accouchement, coûteux en énergie pour la femelle mais non pour le mâle. Il en résulte que l’investissement parental des deux sexes n’est pas le même. En moyenne et en termes de succès reproductif, les mâles ont biologiquement intérêt à engrosser le maximum de femelles, les femelles à s’attacher un mâle qui investira dans la survie de la progéniture. Ce différentiel de stratégie reproductive, que l’on retrouve dans tout le monde vivant, fait que l’homme est porté au détachement, la femme à l’attachement.

Aucun discours classique d'explication culturelle de l'inégalité des sexes ne peut contrer l'évidence handicapante d'un utérus. Parce qu’une femme est avant tout un utérus.

 

Ex utero

Les femmes ne feront rien dans la vie tant qu’elles auront un utérus. L'utérus est l'outil humain de la persévérance dans l'existence et la femme en part perdante dans la course au faire. Cela va plus loin que le désir d'enfanter. Le désir d'enfant est aussi fort chez les hommes que chez les femmes (dans le sens où “ désir d'enfant ” circonscrit tout ce qui peut être mis derrière le terme “ reproduction ”). Chaque individu avec une dose minimale d'estime de soi, désire se reproduire. Chaque individu désire donc enfanter. Le problème n'est donc pas de savoir si les femmes sont celles qui veulent ou doivent faire les enfants mais de voir que ce sont celles qui les font.

Brève histoire féminine : la femme a un utérus, la femme recherche l'homme, la femme pond, la femme s’investit matériellement, temporellement, personnellement, totalitairement dans le pondu, le pondu se sèvre, la femme se ménopause, la femme meurt.

De par son utérus, la femme fait correspondre son histoire avec celle de son organe reproducteur et manque de ce fait la dynamique de toute création. A l'homme qui sublime sa déréliction, la femme répond par la stratégie de sa matrice qui la fait vivre une vie d'enterrée.


Si l'utérus handicape la femme dans son faire, il ne se réduit pas à sa fonction reproductrice dans la mesure où cette fonction est évidemment productrice de représentations. L’utérus est un concept, l’idiotie sourde d'un organe qui s'est fait valeur.

Les Mutantes refusent l'appréciation positive de l'utérinité de la femme, l'utérus est une aliénation, la femme est la première stagnante.

La marche vers l'égalisation de sexes est un phénomène récent, ouvert par la dé-physication des modes de production rentables et efficaces. Cependant, tant que la femme continuera à porter dans son corps la reproduction humaine, les termes seront en décalage. Les Mutantes entendent donc par la désutérinisation de la femme, rendre possible le rattrapage. Tant que la femme portera son avenir dans son corps, l'homme aura un terme d'avance dans l'alternative reproductive, productive, active et puissante. L’ectogenèse (grossesse artificielle extra-utérine), très à la mode dans les années 1930 à 1950, n’a guère progressé depuis. Outre les difficultés techniques, cela est du à l’absence de demande sociale forte de la part des femmes, qui restent souvent plus attachées que les hommes à la grossesse naturelle. Là où il y aurait réelle mutation c'est quand le féminin l'oubliera, histoire de faire autre chose qu'un manuel biographique de Lady Di.